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Les maisons hantées de Pruns et Frayssinous en Aveyron

7 Août 2015 , Rédigé par gite aveyron l'oustal de saint juéry Publié dans #HISTOIRE EN AVEYRON

     

 

Les galets qui tombent de Pruns !

 

            La « maison hantée » de Pruns, habitée aujourd’hui par M. Ginestet, a défrayé la chronique des faits divers au début des années 1920. C’est là que son épouse, Marie Veyrac, alors âgée de 12 ans, fut le premier témoin d’un événement qui fit grand bruit dans le canton de Pont-de-Salars, jusqu’à nous parvenir grâce à la mémoire de Paul Singla, ancien maire de Canet-de-Salars.

            Un soir de l’automne 1922, en compagnie d’une fillette de l’Assistance publique placée dans la famille, Marie Veyrac puisait de l’eau au puits de la maison. Soudain, une grêle de cailloux « jaillit du puits » ! Affolées, les gamines se réfugient dans l’oustal tout proche. Les parents, après avoir calmé les victimes, mettent l’évènement sur le compte des voisins que l’on a vu occupés à ramasser des pommes et qui se seront amusés à expédier des projectiles par-dessus la haie. » aquà es la Fusica ! » («  C’est de la physique ! » La plaisanterie fait le tour du hameau. Les voisins nient farouchement le bombardement qu’on leur attribue. Qu’à cela ne tienne ! Des petits bohémiens rôdent dans les parages et on sait bien qu’ils sont prompts à jeter des cailloux ! Mais, peu de temps après, les parents de Marie sont réveillés en pleine nuit par un vacarme épouvantable.  « Tot en cop tombet de rocs sus la taula ! » (Tout d’un coup, il tomba des pierres sur le toit ! ») Vérification faite, le jour venu, ils constatent que la toiture ne porte aucune trace de coups. Mais autour de la maison gisent de nombreuses pierres «  toutes marquées comme au marteau » ! Il n’est plus question de physique du côté  de Pruns. Et on évoque «  las trévas » lorsque, plus tard, la grêle de cailloux ne se contente plus de rebondir sur la toiture mais transperce (toujours sans les abîmer) lauzes, charpente, planchers du galetas et de l’étage pour atterrir sans la salle commune ! Et, raconte M. Ginestet avec une tranquille assurance. «  Les pierres tombaient sur la table, comme au ralenti… » Le phénomène s’étant reproduit plusieurs fois a été constaté par maints témoins dont un qui affirmait avoir vu les cailloux jaillir du sol pour frapper le dessous de la table.

            Un fier-à-bras, qui ne croyait ni à Dieu ni au diable, vint à Pruns, armé de son fusil de chasse à double canon, histoire de «  débusquer le mauvais farceur » (on espère que les cartouches étaient garnies au gros sel). A peine avait-il mis les pieds dans la maison que le matamore se retrouva au sol, terrassé par un souffle          aussi puissant qu’incompréhensible.   

            Depuis ces évènements, la plupart des témoins ont disparu. A ceux qui s’en souviennent, nos esprits rêveurs s’étonnent que personne n’ait songé à conserver le moindre caillou, marqué du mystérieux stigmate. Quand on en fait la remarque à M. Ginestet, il se dit humblement incapable d’expliquer l’inexplicable.

            « C’est ma femme qui a vécu ça quand elle était jeunette ! »

            Sous entendu : cela ne peut être que vérité. La fatalité paysanne face aux manifestations extraordinaires ressemble fort à une humilité de bon aloi. Il n’empêche, les pluies de pierres ont mis en émoi tout un canton du Levézou, il y a seulement soixante-seize ans de cela. Hélas, aucun renseignement dans les quotidiens aveyronnais de l’époque ne vient rapporter les faits.

            Les contemporains du phénomène eurent recours à l’Eglise puisque l’administration publique, farouchement rationaliste, n’est guère familiarisée avec les choses de l’au-delà.

L’affaire remonte donc jusqu’à l’évêché de Rodez qui envoie un «  prêtre exorciste » sur place. Mais après une courte accalmie, le phénomène ressurgissant, le curé de Canet-de Salars suggère un conseil étonnant : « Ces phénomènes s’arrêteront quand la petite bonne aura quitté les lieux ! » 

            Aussitôt dit, aussitôt fait ! On ne conserve pas chez soi une personne qui peut avoir le mauvais œil. Les parents de Marie Veyrac se séparèrent de la fillette. A partir de là, plus personne n’entendit parler des pierres volantes, ni de la gamine de l’Assistance publique. Ce n’est que quelques années plus tard que des faits différents, mais tout aussi étranges, enflammèrent les esprits des habitants du lieu de Frayssinous, à quelques kilomètres de là.

  

L’eau qui flambe de Frayssinous

 

            Au hameau de Frayssinous, sur la commune de Trémouilles, tout le monde se souvient chez les Soulié des évènements qui frappèrent la maison voisine, en ce mois d’Août de l’année 1932.

            « Eh, pardi, que je m’en rappelle, raconte le « papet », né en 1904. Comme si c’était hier ! »

            Pour un peu, il vous entraînerait jusqu’à l’oustal hanté, à cinquante mètres de là. Et comme les Soulié ne sont pas avares de détails sur cette histoire, le fils sort une photo prise à chaud le lendemain de la première manifestation. Outre les carreaux de la façade qui ont volé en éclats, on y voit la famille Vialaret posant sur le seuil de leur habitation. Mais qui donc est la jeune fille qui se trouve à la gauche de la patronne ? Le père Soulié est formel : »C’est la petite bonne, Denise Pomarède. Elle était placée là par l’Assistance publique. »

            Rapprochement troublant. S’agirait-il de la même personne à qui, dix années auparavant, on attribua la responsabilité des évènements de Pruns ? M. Soulié en doute fort car il s’en souvient bien : Denise avait moins de 17 ans en 1932.

            Pour ce qui est des diableries qui se multiplièrent durant tout ce mois d’Août, de nombreux souvenirs remontent à la surface.

            « Des cailloux, il en pleuvait gros comme le poing. Et s’ils cassaient les vitres, ils ne blessaient jamais personne car ils se mouvaient lentement. Des objets se déplaçaient sans que la main humaine intervienne ! Une chaise est allée se percher sur une armoire. Un « calel» (chandelier) est passé de la table sur l’entablement de la cheminée. J’en ai vu, des choses ! Et je ne suis pas le seul ! »

            Ces objets familiers, il semble que tout le monde, à Frayssinous, a pu en vérifier les invraisemblables errances. Pis encore, le feu entra dans la danse. Cela commença par un matelas qui se consuma sans raison apparente et puis, ici et là, des gerbes de blé ou des bottes de fourrage chargées sur des chars flambèrent spontanément, loin de toutes allumette ou torche. Les gens veillaient avec des réserves d’eau à portée mais aucun arrosage ne parvenait à vaincre l’incendie.

            « L’eau flambait » affirme M.Soulié.

            Son regard interdit de croire à une plaisanterie. Encore moins quand il vous raconte que les flammes se dirigeaient dans le sens contraire du vent, poussées par une force surhumaine, pour ne pas dire inhumaine.

Ah, bien sûr, le curé Bénézet – après de prudentes hésitations – s’est décidé à intervenir sur l’insistance de ses paroissiens qui estimaient que « l’eau bénite serait plus performante que celle des pompiers ». Mais, dès sa première tentative, avant même que le brave prêtre ait pu dresser son goupillon, un terrible déluge de grêle l’obligea à battre en retraite avec acolytes et paroissiens. Adrien Soulié en rit encore, et de bon cœur…Ne le croyez pas mécréant. Simplement, la malice paysanne ne capitule pas, y compris face aux sortilèges.

            « Tous ces trucs se produisaient à la tombée de la nuit » Et d’ajouter, en dressant mystérieusement l’index comme pour évoquer la puissance divine : «  Et jamais le dimanche ! »

 

            Tout ce train n’alla pas sans attirer les curieux à Frayssinous, de quoi rendre jaloux les voisins de Trémouilles. Il en vint de Rodez et de plus loin encore.

            La presse régionale, cette fois, est dans le coup. Le journal toulousain La Dépêche du Midi, dans son édition du 10 août 1932, donne le ton : « Les braves gens parlent de faire intervenir le clergé… Les gendarmes, mieux que l’eau bénite et une prière, arriveront à découvrir le farceur dangereux ! »

            Ce même jour, le quotidien aveyronnais, L’Union catholique, constatant l’émotion des villageois les plus sceptiques conclut : « S’ils ne croient pas en Dieu, ils ne sont pas loin de croire au Diable ! ». De son côté, Le courrier  de l’Aveyron enfonce le clou en concluant par une boutade : «  Soyons certains qu’avant peu la gendarmerie aura prouvé que s esprits de la maison hantée ont des jambes et des bras ! »

            Ce n’est un mystère pour personne : l’antagonisme est vif entre les deux quotidiens dont l’un ne cache point sa fibre républicaine et l’autre ses couleurs cléricales. Les évènements de Frayssinous vont évidemment alimenter la rituelle polémique entretenue avec zèle par les feuilles concurrentes.

            Le 16 août, un long éditorial titré « Esprits malins » paraît sans La Dépêche, signé Johnnie. L’auteur n’hésite pas à affirmer que le curé exorciste ne pourra  rien faire face aux pandores qui découvriront l’auteur de ces farces. « Le fumiste, qu’on eût jadis jovialement rôti au feu de l’Inquisition et à qui le tribunal correctionnel collera vingt-cinq franc d’amende…avec sursis ! De nos jours où, quasi-personne ne croyant plus au Diable, la religion va se perdant. »

            Le 21 août, L’Union catholique, outrée par le propos, oppose un démenti au scepticisme partisan dont Le Courrier s’est fait l’écho et «  dont le but n’est pas douteux pour qui connaît l’esprit dont est animé La Dépêche ». Et de contre-attaquer en citant le cas de deux reporters cantaliens, pourtant peu convaincus par leur visite à la maison hantée mais qui, au moment de la quitter, virent deux pierres tomber du ciel devant leur nez. L’article de L’Union précise à propos de ces enquêteurs : « Comme Thomas ils ont cru après avoir douté ». Et de conclure : « Nous souhaitons à M. le correspondant de La Dépêche d’imiter ces confrères ».

            La presse républicaine ne consacrera plus d’articles aux phénomènes dont Frayssinoux fut le théâtre et qui cesseront peu avant la fin du mois d’août. L’Union catholique y reviendra longuement dans ces colonnes des 25 et 28 août, avant de fustiger ses collègues du bord adverse en employant, à leur tour, les armes de l’ironie : « Eh bien, les gendarmes sont intervenus et leur sabre n’a rien fait. Le goupillon du curé a sévi samedi dernier, et depuis lors, plus rien ! »

            La maréchaussée comme l’Eglise – sans doute troublées par les inexplicables faits dont les villages de Pruns et de Frayssinoux furent le théâtre – observèrent un parfait silence. Faute d’investigations officielles, les pierres volantes et les fantômes du Lévezou conservent encore leur mystères.

 

Tiré du livre « L’Aveyron secret »

J-M. Cosson et J-P. Savignoni

 

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